Eléments de la présentation faite le vendredi 31 octobre 2008, donc depuis dix ans, au 52ème congrès de l’UIA (Union internationale des Avocats), à Bucarest, Roumanie, par Madame Elvire VIGNON, Avocate près la Cour d’Appel de Cotonou
INTRODUCTION
Il est particulièrement poignant d’aborder ce sujet surtout lorsque l’on sait de ce qui reste des coutumes africaines que :
- l’eau est donnée, et même proposée, à tout passant
- l’eau est protégée par la sacralisation des cours d’eau
- il est interdit d’empoisonner l’eau
Bref l’eau disponible était protégée et partagée. Aujourd’hui l’eau va se raréfiant, en se polluant ; certaines zones du monde sont menacées de stress hydrique. 2025 est une échéance qui peut être heureuse ou terrifiante suivant le traitement qui est fait de cette prévision. Il faut donc parler de l’eau, de sa protection pour garantir le droit à l’eau.
Parler du droit à l’eau aujourd’hui me paraît un aveu des contre-performances des politiques de développement. Discuter à longueur de journée du droit à l’eau comme d’un droit humain ressemble à une gifle donnée à l’ensemble des gouvernants de la planète car quoi de plus naturel que de boire et d’avoir de l’eau à portée de main. Contre-performance ou gifle parce que les difficultés ou l’absence d’accès à l’eau sont les conséquences soit de gestes ou d’actes qui n’ont pas préservé l’avenir soit du défaut d’attention des gouvernants qui, ne s’intéressant bien souvent qu’à ce qui rapporterait des espèces sonnantes et trébuchantes ou plutôt « froissantes », hic et nunc, ont perdu de vue que l’eau était une « conditionnalité », une condition nécessaire du développement. Développement durable comme on a cru devoir le rappeler de façon redondante, ce qualificatif n’étant que l’aveu d’une courte vision des dirigeants de la planète, des déjeuners de soleil que constituaient les projets dits de développement qui n’avaient même pas tenté de prévoir (ou qui sont restés sourds aux avertissements sur l’impact des projets) l’impact de leurs actions envisagées. Gouverner, n’est-ce pas prévoir ! Cependant trêve de diatribe – nous avons sûrement eu les dirigeants que nous avons mérités – et jetons un regard sur les correctifs qui sont engagés. Je ne remonterai pas à tous les engagements internationaux auxquels nos gouvernants ont souscrits ; cela sera certainement exposé dans les sous-thèmes 1 et 2 « L’introduction au problème de l’eau aujourd’hui » et « L’accès à l’eau en tant que droit humain). Je resterai à présent en Afrique et plus spécialement dans l’espace UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) pour constater avec vous que :
- Le droit à l’eau est reconnu
- L’accès à l’eau est organisé
- Les violations du droit à l’eau peuvent être poursuivies
I. LE DROIT A L’EAU EST RECONNU
En Afrique, la reconnaissance du droit à l’eau comme droit fondamental résulte de divers actes et notamment : · de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (Addis-Abeba, 1990) (en vigueur, ratifiée par 37 États) qui prévoit l’obligation pour les États de prendre les mesures nécessaires “pour garantir la fourniture d’une alimentation et d’une eau de boisson saine en quantité suffisante” ;
· du protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatifs aux droits des femmes (Maputo, 2003) dont l’art. 15 qui stipule que : “Les États prennent les mesures nécessaires pour assurer aux femmes l’accès à l’eau potable” (38 signatures et 12 ratifications) ; · de la Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles (Maputo, juillet 2003), signée par 33 États, qui stipule que : “Les parties s’efforcent de garantir aux populations un approvisionnement suffisant et continu en eau appropriée” (art. 7.2).
· de la Charte des eaux du fleuve Sénégal signée en mai 2002 par le Mali, la Mauritanie et le Sénégal qui rappelle que : “Les principes directeurs de toute répartition des eaux du Fleuve visent à assurer aux populations des États riverains, la pleine jouissance de la ressource, dans le respect de la sécurité des personnes et des ouvrages, ainsi que du droit fondamental de l’homme à une eau salubre, dans la perspective d’un développement durable” (art. 4.3 ). · etc.
Il n’existe pas de législation communautaire dans l’espace UEMOA proclamant ce droit humain mais il existe des programmes témoignant de la reconnaissance de ce droit. Ainsi la politique commune d’amélioration de l’environnement, le programme d’hydraulique villageoise et le programme régional de biosécurité. Dans l’espace UEMOA, ce droit est seulement expressément consacré par le Burkina Faso à travers la loi n°002-2001/an portant loi d’orientation relative à la gestion de l’eau au qui, en son article 2 dispose que « La loi reconnaît le droit de chacun à disposer de l’eau correspondant à ses besoins et aux exigences élémentaires de sa vie et de sa dignité. ».
Au Bénin, il existe un projet de loi sur la gestion de l’eau, en discussion à l’Assemblée nationale, qui énonce comme premier principe, en son article 5 « le droit de chacun à disposer de l’eau correspondant à ses besoins et aux exigences élémentaires de sa vie et de sa dignité » en somme un droit de l’eau pour garantir le droit à l’eau ; sinon sont en vigueur le code de l’hygiène publique de1987 et le code de l’eau (loi n° 87-016 du 21 septembre 1987) qui s’analyse plutôt en un droit de l’eau. Le droit de l’eau est également organisé :
- en Côte d’Ivoire par la loi 98-755 du 23 décembre 1998 portant code de l’eau
- au Sénégal par la loi n° 81-13 du 4 mars 1981 portant code de l’eau
- au Mali par la loi n° 02-006 du 31 janvier 2002 portant code de l’eau
- en Guinée-Bissau par le décret-loi 5-A/92 portant code de l’eau
Au Niger, le code de l’environnement en date du 29 décembre 1998 contient certains éléments du droit de l’eau mais ce droit est surtout manifesté par l’importance qualitative et quantitative des programmes y relatifs. Le Togo s’organise.
Pour tous ces pays, l’eau est un élément du patrimoine national et fait partie du domaine public. N’oublions pas également les programmes entre pays frontaliers de l’espace UEMOA.
II. L’ACCES A L’EAU EST ORGANISE
Les pays d’Afrique de l’Ouest incluant ceux de l’espace UEMOA sont unis autour d’un programme de gestion intégrée des ressources en eaux (GIRE). Dans le cadre de ce programme, l’Etat qui a l’obligation de conserver les ressources en eau, en organise l’accès aux conditions suivantes :
· l’eau n’est pas gratuite : en effet il est prévu une contribution de chacun à l’effort de la nation pour en assurer la gestion · il doit être garanti un accès équitable à l’eau
· l’eau doit être disponible · l’eau doit être saine
La gestion de l’eau se fait à travers les institutions suivantes : associations d’usagers, institutions de bassin, conseil national de l’eau, administration centrale, Etat et collectivités territoriales décentralisées.
III. Les violations du droit à l’eau peuvent être poursuivies
Les textes qui régissent le droit à l’eau n’en prévoient pas spécifiquement la sanction. A défaut de règles spéciales, les règles générales de sanction peuvent être mises en oeuvre. Sanctions civiles, sanctions administratives ou même sanctions pénales, le cas échéant. Ainsi pourraient être sanctionnées :
§ le défaut de mise en place du dispositif de gestion de l’eau § le défaut de mise à disposition d’eau potable en période de crise
§ la rupture de l’approvisionnement en eau § l’absence d’accès à l’eau
§ les actes de pollution de l’eau et les dommages subséquents § etc.
Les litiges pourraient être tranchés par les juridictions étatiques ou réglés suivant des modes conventionnels (médiation, conciliation). L’exercice même des recours et le choix du mode de règlement des litiges dépendront du degré de juridicité des usagers.
en guise de conclusion…
Et si les gouvernants cessaient de considérer l’eau comme un enjeu de pouvoirs pour lui restituer sa vocation de pôle de fraternité humaine ?