Depuis la mise en œuvre de l’AUVE (acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution), bien des procédures d’injonction de payer sont vivement animées par un débat sur la position procédurale des parties. J’apporte ma contribution à ce débat d’une part en montrant que le créancier a la qualité de demandeur et d’autre part en précisant l’intérêt du sujet.

I. L’auteur de la requête afin d’injonction de payer a la qualité de demandeur Pour une bonne intelligence de la discussion, il convient de rappeler les étapes de la procédure d’injonction de payer. Le juge compétent rend une ordonnance d’injonction de payer à la requête du créancier, ordonnance que le créancier est libre de signifier ou de ne pas signifier ; mais dès lors qu’il procède à la signification de ladite ordonnance, il exprime clairement sa volonté de recouvrer sa créance. La signification de l’ordonnance d’injonction de payer constituera alors le point de départ d’une action, une action en paiement et plus spécialement une action en recouvrement de créance.
A cette action en recouvrement de créance, le débiteur apporte une réponse soit en s’exécutant soit en se défendant. Pour se défendre, il forme opposition, conformément à l’article 8 AUVE. Cette opposition saisit le tribunal compétent de l’action en paiement. Au cours du procès, la charge de la preuve de la créance repose, conformément à l’article 13 AUVE sur « celui qui a demandé la décision d’injonction de payer ». Celui qui a demandé la décision d’injonction de payer, c’est le créancier. C’est donc le créancier qui a la charge de la preuve de la créance.
Par ailleurs, la décision d’injonction de payer est donnée à pied de requête. Cette requête contient à peine d’irrecevabilité, ainsi qu’il est édicté par l’article 4 AUVE : « … « 2) l’indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci. « Elle est accompagnée des documents justificatifs en originaux ou en copies certifiées conformes. »
Comme on le voit bien, cette requête n’est rien d’autre que l’articulation de l’allégation des faits et de leur pertinence. Cette requête étant le fait du créancier, c’est donc à lui qu’incombe l’allégation des faits et leur pertinence. Au total, l’on se rend compte que le l’auteur de la requête afin d’injonction de payer non seulement prend l’initiative de l’action en recouvrement mais encore, est chargé de l’allégation des faits et de leur pertinence puis du fardeau de la preuve de la créance. En vérité, il n’en faut pas davantage pour avoir la qualité de demandeur. En effet, le demandeur est défini comme la « personne qui prend l’initiative d’un procès et qui supporte en cette qualité, la triple charge de l’allégation des faits, de leur pertinence et de leur preuve ».
In Lexique des termes juridiques, DALLOZ 1985, sixième édition, voir Demandeur, page 154 Cette analyse est confortée par la loi et la jurisprudence. La loi dont s’agit est notamment l’article 8 AUVE ainsi libellé :
« A peine de nullité, la signification de la décision portant injonction de payer contient sommation d’avoir : « – soit, si le débiteur entend faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci (l’opposition) ayant pour objet de saisir la juridiction, de la demande initiale du créancier et de l’ensemble du litige »
En édictant que le débiteur peut faire valoir ses moyens de défense en s’opposant, cette disposition détermine sans ambiguïté sa qualité de défendeur.
Ainsi le débiteur, bien que demandeur à l’opposition, n’occupe pas la position procédurale de demandeur à l’action. De ce texte, il ressort bien également que l’objet de l’instance est la demande en recouvrement. Et c’est sur cette demande de recouvrement que le tribunal statue, conformément à l’article 12 AUVE. Sur la question, la jurisprudence n’est pas de reste. Cass. 2è civ. 10 mars 1988, Bull. civ…. II, n° 62, JCP 88, IV, 183 ; Gaz. Pal. 1988. 2. somm. 495, obs. S. Guinchard et T. Moussa
in Répertoire de droit civil, Encyclopédie juridique Dalloz, refonte de mars 1997, voir injonction de payer p. 12, n° 89 Voir également, Répertoire de procédure civile, Encyclopédie juridique Dalloz, refonte de 1985, n° 32 Cette jurisprudence est la jurisprudence française rendue sur le fondement des articles 1405 à 1425 du nouveau code de procédure civile français sur la procédure d’injonction de payer mais nul n’ignore que l’AUVE s’est fait plagiaire (ou si l’on préfère, s’est inspiré) des textes français. Au total, dans l’instance ouverte sur opposition, l’auteur de la requête afin d’injonction de payer possède la qualité de demandeur alors que l’opposant jouit de celle de défendeur. Les positions procédurales étant ainsi déterminées, il convient à présent d’examiner l’intérêt de la question.
II. Sur l’intérêt du débat La position procédurale des parties détermine l’ordre d’intervention et la qualification des actes de procédures qu’elles diligentent. Ainsi, le créancier requérant aura la parole en premier pour présenter ses demandes, sauf à l’opposant défendeur, à soulever les exceptions devant êtes présentées in limine litis.
Après les demandes du créancier requérant, l’opposant défendeur pourra formuler ses exceptions et défenses. Le créancier requérant pourra formuler des demandes additionnelles alors que l’opposant défendeur présentera, le cas échéant, des demandes reconventionnelles. Au cas où les parties échangeraient des conclusions écrites, les conclusions de l’opposant défendeur seraient des conclusions en défense.
Voilà, chers confrères et amis juristes, l’analyse que je voudrais vous faire partager
Elvire VIGNON 10 février 2005